Mémoire d'une spectatrice en temps de Covid (par Pat B)

Quand j’ai lu cette définition du spectateur-Covid, ça m’a fait penser à la façon dont j’ai traversé cette périoe. Et la façon dont j’ai vécu ce moment sans. J’entends : sans spectacle.

Heureusement, il y avait la Chaîne 14, crée pendant le Covid pour regarder et voir des spectacles. Même avec le masque, on pouvait voir des spectacles.

Est-ce que j’ai réellement vu des spectacles à la télévision ? Non. J’ai essayé de les voir. C’était juste intéressant que ça existe.

La Chaîne 14, on y voit des reportages, comme la compagnie Flowcus, dirigée par le chorégraphe Bruce Chiefare. Ou encore l’entrée du break aux Jeux olympiques. Ou une performance de danseurs vêtus de blanc glissant vers le rouge-ocre au fil de leur performance sur un cours de tennis en terre battue.

La Chaîne 14, c’était le seul moyen de voir des spectacles à l’intérieur de la maison.

C’étaient des erz-arts.
On n’était pas dupes.

Il y avait aussi des « spectacle-truck ». Un camion-spectacle dans les écoles, du temps où on ne pouvait que jouer dans les écoles.

Avant, j’étais impatiente d’aller voir un spectacle, et surtout impatiente dans la salle avant le levé de rideau. Maintenant ce n’est plus la même chose : j’ai envie d’y aller et je n’ai pas envie d’aller. Il y a un bouillonnement intérieur et contradictoire, très nouveau chez moi, entre impatience et lassitude.

Les spectacles sont peut-être moins bons, maintenant ? Non, ça n’a rien à voir : l’habitude d’être spectateurice (et donc d’accueillir le bon et le moins bon d’une œuvre) a été vraisemblablement cassée.

Notre rapport au spectacle a-t-il changé ? Oui : avant j’allais voir tout, j’étais boulimique. Maintenant mes exigences ont changé. Je cherche tout de suite la puissance de la pièce.

Les spectacles ne sont peut-être plus forcément justes du fait d’avoir été conçus pendant le Covid ? Possible : ils ne répondraient plus trop à nos attentes d’aujourd’hui. Nous avons eu un confinement dur, coercitif : nous n’en sommes pas ressortis indemnes. Maintenant, quels sont les spectacles qui pourront s’adresser aux nouvelles spectateurices que nous sommes toustes devenues ?


Texte écrit avec la complicité conversationnelle de Catherine Musseau et d’Émilie Boutet, dans le cadre de l’atelier FAUT QUE ÇA SORTE (« Venez raconter votre spectacle, celui dont le souvenir s’est imprimé durablement et vous hante un peu parfois »). Édition 2024 des Spectateurices émancipé·es, au Garage, à Saint-Nazaire.