Un matin Angevin
Jeudi 21 mars 2019. Ce matin à Bruxelles, je me suis levé aux aurores pour prendre mon train pour Paris où j’ai attrapé ma correspondance. 11h34 : me voilà débarquant à la gare d’Angers et je retrouve Joël Kérouanton, vous savez l’écrivain. Nous sommes conviés pour animer cet après-midi un jeu un peu spécial, un peu punk, un peu artistique.
Joël déboule avec sa voiture bleue, je lui fais coucou de loin.
— Ça va ? Pas trop fatigué ?
— Ouais, un peu, ça va.
— Bon, on a une sacrée journée devant nous ! On va enchaîner sans pause.
— Des fois c’est bien sans pause. Ça évite de trop penser.
Le GPS du téléphone nous amène avec succès devant Le Quai à l’adresse Cale de la Savatte. Pas de numéro, pas de rue, non : juste une cale, je trouve que ça donne un certain panache. Là, sur la rive du Maine (c’est une rivière) en face d’un château (celui du Roi René selon mes sources), sur un parvis de granit se dresse la haute façade du théâtre. Mon regard remonte cet à-pic de verre et je me sens aussi petit qu’un crabe au pied d’une falaise. Dans le hall, il y a des tables à gauche, à droite, et un grand espace vide au milieu, quelques groupes de jeunes gens sont assis à faire leurs devoirs ou à manger des chips. « Tiens, c’est le rendez-vous des ados, cool… » dit Joël.
…
Je fume une clope sur l’immense terrasse du toit du théâtre, c’est le bâtiment le plus haut du coin. En surplomb, de l’autre coté de la rivière, toujours le château et un reste de muraille médiévale un peu plus loin. Ça me fait du bien tout cet espace. La mise en condition mentale s’opère dans ma tête. Comment on se « met en condition mentalement ». Aucune idée. On le fait, c’est tout.
…
Joël me rejoint sur la terrasse. Dernière inspiration. On fait un petit point avant que ça commence.
C’est important qu’on se retrouve juste nous deux, pour se recentrer avant d’attaquer le vif. Il y quand même 40 personnes qui nous attendent.
Notre jeu Bord de scène est basé sur l’improvisation et sur une certaine remise en question des « conventions culturelles », alors il y a le risque que ça ne décolle pas, ou que ça retombe à plat. Qu’est-ce qu’on fera si le public ne se mouille pas ? À chaque fois c’est la même crainte, mais il se mouille toujours. Un peu au moins. Suffisamment ? Voilà le fil sur lequel on va danser.
« Je te propose qu’on improvise un peu, pour l’échauffement. En espérant qu’ils nous suivent… De toute façon, on a des billes en réserve au cas où… Allez c’est l’heure ! »
Et on se prend dans les bras comme des sportifs qui se communiquent de l’énergie avant un match. Let’s go.
Pour Le Dico du spectateur,
Louis Schickel