Cogito
Échauffement et briefing avant le jeu Bord de scène
Pour Joël et moi, ce n’était pas notre première expérience de ce type (voir ici), cependant nous avions cette fois à faire avec un public différent. Des professeurs de sport (et donc de danse), des danseurs, différentes autres professions naviguant dans le champ culturel. Il ne s’agissait donc pas de simples spectateurs (qui sont pourtant déjà complexes).
Cela a deux conséquences sensibles lors de l’expérience :
— Ces personnes assument une certaine position d’autorité et de responsabilité, notamment par rapport à leurs élèves pour ceux qui étaient profs, ou pour leur public pour ceux qui étaient médiateurs culturels. Ils entrent dans la catégorie « spectateur-prescripteur-professionnel ».
— La plupart de ces personnes sont rompues aux codes de la danse, aux manières convenues d’en discourir. Elles savent abstraire les enjeux profonds. Délimiter les différentes dimensions de l’expérience esthétique du spectacle pour structurer leur discours (aspect historique, distribution, mise en scène, texte, décors, costumes, éclairages…)
À certains moments, cette maîtrise des codes a fait la richesse et la presque vraisemblance des échanges. À d’autres, elle a menacé la rencontre : qui sait mimer la posture peut se cacher derrière pour éviter de prendre des risques. Ainsi, la vraisemblance de la forme a parfois menacé de se suffire à elle-même, au détriment de véritables inventions et prises de risques sur le fond.
« MAIS ALORS IL N’Y A PLUS DE LIMITES ? »
À qui profite l’ordre ? À qui profite le chaos ?
Pour ceux qui ne maitrîsent pas les règles de l’art « institutionnel, conventionnel, officiel », le chaos ouvre une porte : c’est un blanc-seing pour se lancer sans risque d’erreur possible, un permis d’exprimer qui on est / là où on est / quand on l’est. On ne peut plus « ne pas être assez cultivé pour » (haro sur le spectateur-poli), chacun est une culture, chaque individualité est un langage.
Pour ceux qui, eux, maitrisent les règles de la Culture telle qu’elle est codifiée, cette soudaine ouverture des vannes peut porter l’inconfort, le risque de la cacophonie, du chacun pour soi, du tout-est-relatif, de la dissolution du dialogue. Oui, bâtir du sens ensemble impose certaines règles — même quand on les veut aussi peu régulantes que possible. Une forme de savoir-vivre, qui est l’écoute et le respect, mais aussi l’auto-censure, le lissage des singularités individuelles.
Non pas contre la dialectique, mais avec/en parallèle, l’expression de chacun / pour chacun / par chacun. En ne se souciant pas — pour un temps — de rebondir / d’interagir / de s’adapter. En partant de soi. La cohérence, puisque l’on en a l’injonction, ne se trouve plus dans un fil logique qui lie les interventions, mais dans le fait d’offrir notre idiosyncrasie (voir spectateur-idiosyncrasique) au regard du groupe et d’accueillir celle des autres.
Nous sommes des individus pensants, jugeants, discriminants, bâtisseurs de sens. Nous sommes des cerveaux. Mais si nous avons vu et entendu May B de Maguy Marin, ne pouvons-nous pas également concevoir que nous sommes encore un peu ce troupeau animal dirigé par des instincts grégaires et que, si parfois nous parlons, souvent nous n’usons de nos bouches que pour bruire, caqueter, brailler, grogner ?
LE POUVOIR DANS L’ART
Question : l’art est-il un langage ?
Il unit ceux qui le parlent.
Il exclut ceux qui ne le parlent pas.Contre-question : l’art est-il un processus de création de langages ?
Périmètre inclusif/exclusif.
Une rencontre dans le mouvement,
avec synergies et frictions.
La surprise est une promesse risquée,
mais le plus grand risque est d’y renoncer.
L’expertise produit de la violence symbolique.
Si l’expert élève le débat, c’est que le débat était bien bas.
Peut-être que l’élève n’a pas besoin qu’on l’élève.
Mais qu’on lui apprenne à s’élever.
Qu’il soit créateur de son imaginaire.
En commençant par trouver sa propre échelle (de valeurs).
Pour Le Dico du spectateur,
Louis Schickel