Collecte à l'occasion de « Monchici », Cie Wang Ramirez

15 OCTOBRE 2015.

Présentation de L’Archipel : Attractions contraires. C’est l’histoire d’un Français aux racines catalanes et espagnoles qui vit en Allemagne avec une Germano-Coréenne. Ce couple arrive, par la danse, à se créer un langage commun… Langage qui n’est autre qu’une danse hip-hop métissée d’identités multiples. En savoir plus

« (…)
La couleur bleue a beaucoup intéressé des jeunes filles spectatrices, électrisées par ce qu’elles venaient de voir : « C’est Le lac des Signes contemporain, j’ai vu des personnages de la Fée clochette, de La Dame du lac et du Roi Arthur ». L’une d’elles a ajouté « C’est vrai qu’à un moment y avait un beau bleu. On entrait dans l’univers de La Reine des neiges ». Puis une fille, un peu « friponne de porcelaine » a dit : « C’est un couple qui se dispute. Oui, enfin ils se disputent pour avoir des Fraises Tagada, car y avait beaucoup de rose ». Je lui dis : Ben toi tu es spectateur-bonbons ! Pour qualifier leur état de spectatrice elles m’ont sorti pleins de mots, elles étaient toutes contentes : « impressionnées, « époustouflées », « épatées », « ébahies », « surprises », « hypnotisées ». Je leur ai dit : Bravo vous avez du vocabulaire. Motivées par mon compliment, elles ajouteront un chapelet de qualificatifs : « emballées », « surprises », « épatées », « re-hynotisées ».

Pour changer de registre une autre fille prend la parole, désirant collaborer à ma récolte d’impressions : « Moi j’aurais aimé aller sur scène et chanter la chanson de La Légende du Roi Arthur (Ce Que La Vie a Fait De Moi) ». Elles étaient toutes d’accord pour dire que cette histoire de couple les a fait rêver, qu’elles avaient vu dans ce duo dansé rien moins que, je cite, « Cupidon et Vénus ». Une fille, un peu en retrait, a voulu ajouter : « Oui mais quand même j’ai pensé à Louis XVI sur la guillotine : parce que la musique est électrique et tranchante ».

Je trouvais que ce n’était pas si bête, c’est vrai que la musique est angoissante, qu’elle prend aux tripes. Heureusement qu’il y a cette danseuse, à la métamorphose mythologique. Personnellement j’ai pensé à Marie-Antoinette. À cause des couleurs, très « Macarons Ladurée », rose et vert pâle. Comme les collégiennes j’ai éprouvé du plaisir à retrouver dans le jeu des danseurs des citations qui me parlent. Mon registre personnel n’est pas le dessin animé mais l’histoire de l’art, le spectacle renvoyait des images, des sculptures de l’art Kmer que j’ai étudiées à l’école. On est quelque part le spectateur de soi-même et ce spectacle m’a fait des clins d’oeil.

TÉMOIGNAGES RECUEILLIS PAR UN SCRIBE (Danièle)

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« (…) J’ai eu un couple en premier (…). Après j’ai interviewé des enfants, des petites filles, « spectacle très très bien ». Première fois qu’elles voyaient un spectacle de danse. Elles avaient envie de danser. Donc elles nous ont fait une petite démonstration. Salto arrière, roue arrière, des trucs bien.

TÉMOIGNAGES RECUEILLIS PAR UN SCRIBE (Anne)

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« (…) La première rencontre c’était un couple assez âgé avec leur petit-fils, ils étaient surpris : ils pensaient venir voir du théâtre. Après se sont assises deux filles. L’une d’elles a vraiment aimé la musique, elle trouvait que c’était une musique apaisante, elle a d’ailleurs cherché avec son téléphone (l’appli Shazam) ce que c’était et elle n’a pas trouvé. Son appli n’a pas fonctionné car c’était une composition, en fait. Dans l’ensemble elle a trouvé le spectacle drôle. Elle a insisté pour que j’écrive « Génial » sur mes notes, et insisté pour que je souligne « Génial » avec des cœurs et du fluo. Ce que j’ai fait.

Ensuite on a eu un groupe de trois filles, plus âgées, qui font partie d’une association de HIP HOP. Elles n’étaient pas avares de mots pour qualifier le spectacle : « apaisant », « captivant », « passionnant », « fédérateur », « communautaire ». La mise en scène a marqué l’une des trois hip-hopeuse, car elle étudie le théâtre en option dans sa terminale littéraire. Elles ont affirmé toutes les trois que le message était clair, on leur a demandé ce que c’était le message et elles ne nous ont pas trop dit. Elles nous ont dit qu’on peut interpréter de différentes façons. Après elles ont évoqué la mixité sociale, le mélange culturel, tout ça. Elles ont eu des frissons.

Pour nous la collecte a réellement commencé en plein milieu du spectacle, en fait : deux garçons étaient assis près de moi, ils parlaient entre eux, ils parlaient fort, comme s’ils étaient dehors, je pense qu’ils étaient en classe ensemble, ils disaient : « Oh ! on a un contrôle demain, ça va être chaud… ». Et puis ils chantaient par-dessus la musique. C’est eux qui ont dit : « BG, oh BG (Beau gosse, dans le sens c’est classe), BG, t’es trop stylé, ah trop stylé ». Et sinon aussi ça avait l’air de les choquer que la fille se fasse maltraiter par le gars et que parfois le gars se fasse maltraiter par la fille.

TÉMOIGNAGES RECUEILLIS PAR DEUX SCRIBES (Esther & Laurine)

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« (…) À un moment j’ai eu un couple qui a même aimé le spectacle. Ils ont trouvé que les danseurs étaient extrêmement souples, « on oubliait parfois que c’était des êtres humains, ils faisaient un peu pantin en caoutchouc ».

TÉMOIGNAGES RECUEILLIS PAR UN SCRIBE (Bernard)

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« (…) J’ai discuté avec trois filles d’une dizaine d’années, totalement surexcitées. Elles parleront rarement en leur nom, se cacheront derrière le binôme ou le trinôme. Les points de vue à deux ou trois ne donneront rien de très pertinent, surtout dans ce brouhaha de spectateurs. Mais parfois, au hasard de la conversation, se dévoilera une parole toute personnelle. Fallait être là, la saisir au vol. Comme ce moment où l’une d’entre-elles se qualifiera de « Spectatrice-Géniale ». Ben ça veut dire quoi je lui demanderai. « Que t’es avec eux. Que tu voyages avec eux ».

Les trois jeunes filles verront le spectacle par l’unique prisme de l’histoire d’amour. Très vite une deuxième fille qualifiera la façon dont elle perçoit la relation homme-femme représentée par le couple de danseurs : « C’est une relation fonctionnelle. Qui communique sans parler. Par les gestes. Par des vagues de bras ». À l’écoute de ces propos, la troisième copine continuera : « Ils essaient de parler de leur histoire. À eux. Un peu en commun. Qu’ils veulent partager. On le voit qu’ils sont en couple, leurs corps étaient rapprochés. Ils ont appris à se connaître par la danse. On le voit dans leur regard, c’est une histoire d’amour. En sortant j’étais un spectateur qui voulait faire un peu comme eux. Avoir un peu la même vie qu’eux. Une spectatrice-envieuse ». Ah bon ? la relançais-je. « Ben oui, j’ai envie d’avoir un peu la même histoire à vivre qu’eux, mais sans être jaloux de mon copain. Car la jalousie y a rien de pire ». Les copines opineront vigoureusement du chef. « Ben ouais, la jalousie y a rien de pire, vous ne trouvez pas, m’sieur ? ».

TÉMOIGNAGES RECUEILLIS PAR UN SCRIBE (Joël)

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« (…) J’ai rencontré un monsieur qui a vraiment été étonné, captivé, il a fini par s’esclaffer « Ah non d’un chien qu’est-ce que c’était bien ! ». Il s’est défini comme « Spectateur-analytique », il était en couple et sa femme s’est définie comme « Spectatrice-Carpe Diem ». Dans le détail il m’a vraiment débité plein de choses, et sa femme était dans le lâcher prise. Il a dit : « de toute façon c’est le tempérament de Madame ».

J’ai eu des gens vraiment très intéressants, c’est une expérience qui m’a vraiment passionnée, le spectacle moins, j’ai eu plus de mal à rentrer dedans. Je leur ai dit, aux spectateurs, que je n’ai pas tout compris. Je leur ai dit par contre que j’ai été captivée par l’arbre, je l’ai trouvé magnifique, ses couleurs, sa présence, il faisait partie de l’environnement humain du spectacle. Il faisait le spectacle. Et y avait ce jeu de lumière !

Quant à moi, je suis un peu frustrée de ne pas avoir tout compris de la danse. J’ai été emportée, c’est sûr, mais il me manque des clés je pense.

TÉMOIGNAGES RECUEILLIS PAR UN SCRIBE (Michèle)

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« (…) Je n’ai pas suivi la formation, alors j’ai tenu un stand Parlotte & Pensée sans formation. Je n’étais pas non plus présente au spectacle et je le découvre par d’autres - en quelque sorte j’y étais.

Très vite une femme est venue s’asseoir : « J’ai pas vu le spectacle, j’avais mon repassage à faire ». Bienvenue au club. Nous voilà deux à parler d’un spectacle que l’on n’a pas vu. Heureusement y a son fils, 14 ans : « La danse super, la musique bien, ça ne racontait rien du tout mais c’était super ». Devant son enthousiasme mesuré je lui demande s’il a quelque chose à ajouter, oui me dit-il : « La dame chinoise super belle avec des beaux cheveux et qui se changeait beaucoup ».

Après y a une autre dame avec sa fille, et pour finir j’ai eu quatre danseurs de HIP HOP, une nana et trois gars : un Asiatique, un Noir, un Blanc et la fille. Alors eux, ils m’ont tout raconté l’histoire. D’abord il faut dire qu’ils ne voient que du HIP HOP, ne vont jamais au théâtre. La fille : « Il y a beaucoup de finesse, beaucoup de maîtrise. Message de tolérance, un mélange de culture, exemple : la femme chinoise était Chinoise et cependant Allemande. Le couple semblait s’entendre sans être de la même origine ». La fille s’est dit « Spectatrice-Captivée ». Tous les quatre ont dit : « On a pensé que ça a duré dix minutes tellement on était dans le truc ».

TÉMOIGNAGES RECUEILLIS PAR UN SCRIBE

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« (…) Je ne sais pas si c’est intéressant ce que j’ai à raconter de l’expérience, je crains n’avoir à restituer que des banalités, mais bon. Ma première rencontre fut avec une dame « qui n’a pas de mot », c’est comme ça qu’elle se qualifie : « C’était magnifique. Des moments où c’était même émouvant, dans la danse c’est dur d’être émouvant ».

Très rapidement j’ai rencontré une autre spectatrice (la cinquantaine) qui se définit comme « celle qui ne fait pas de danse » : « Le décor, très pur, tout à fait mon genre. Je ne savais pas du tout à quoi je m’attendais. J’ai voulu m’investir un petit peu à l’Archipel, comme je suis au chômage. Et je me suis dit : sortir un peu de mon univers, faire du bénévolat pour les entrées et en même temps suivre les spectacles, c’est pas mal. Et du coup je découvre des choses ». Elle a trouvé aussi surprenant que la salle soit si concentrée, avec autant d’enfants. « Oh vous mettez beaucoup de texte pour moi, vous ferez le tri » m’a-t-elle fait remarquer, avant d’ajouter : « Je suis très contente de ma soirée. Par contre, le spectacle de Camélia Jordana, je n’ai pas pu rester, je suis partie au bout d’une demi-heure, je me suis dit : je ne peux plus supporter ça. C’était trop fort et agressif comme son. Là, ça ne m’a pas gênée, la musique m’a plu ».

Moi je n’ai pas un avis super génial : ce que j’ai préféré c’est la lumière, elle peut transformer, modeler, sans elle, y a pas de monde, en fait, ça met bien ça en évidence : suivant la lumière on voit différemment. Dans l’ensemble ça m’a fait ressortir une sensation d’angoisse, comme l’incommunicabilité entre les danseurs (ou alors communication vraiment très superficielle). Sensation d’angoisse, due à quoi ? À la musique sans doute, lors de ces passages électriques, entrechoqués et répétitifs. Une impression aussi de solitude des corps dans le décor, comme des petits insectes humains avec des mouvements de robots. Quant aux paroles de tous les jours prononcées par les danseurs, je ne sais qu’en dire, y avait pas de rêves dans les mots.

TÉMOIGNAGES RECUEILLIS PAR UN SCRIBE

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« (…) J’ai eu des personnes de tous les âges. Avant le spectacle j’avais demandé à trois petits garçons de me rejoindre à la sortie. Kyliam : « J’ai bien aimé tout, j’ai bien aimé les couleurs du fond, et comment ils ont dansé ». Comment tu veux conclure : « Oh ben rien, c’était super et c’est passé très très vite ». L’autre petit garçon était Abel, « c’était très bien, c’était rigolo, je préfère le monsieur. ». Et je lui ai demandé s’il dansait, il m’a dit : « oui oui ça fait deux ans que je danse », et du coup je lui ai demandé s’il voulait faire une démonstration, et il a dansé là, sur le coin, tout près de la sortie de secours. Je me suis retrouvée spectatrice d’un spectateur danseur occasionnel. Et sa maman de râler : « C’est un peu dur par terre ! ».

Sinon un couple, elle Française et lui Allemand, Monique et Vincent, qui trouvaient ça génial, savoureux, c’était dur de trouver les mots, alors il m’a dit « wie ein Glas Wasser nach einer Wanderung » (« comme un verre d’eau après une randonnée »). Et alors je leur ai demandé quels étaient les spectateurs à côté, « ah y avait beaucoup de jeunes, c’était très sympa. »

D’autres spectateurs, un autre couple, Marie-Claire et Jacques, ont qualifié le spectacle d’« une ambiance de théâtre d’ombre même sans les ombres ».

TÉMOIGNAGES RECUEILLIS PAR UN SCRIBE


Mise en écriture : Joël Kérouanton. 1ère mise en ligne le 20 décembre 2015 et dernière modification le 17 août 2016.