GUS
Cet article est le récit d’une soirée « Critique du spectateur » menée avec le théâtre ONYX et Les Collectors, autour du spectacle GUS.
Théâtre ONYX, 22 novembre 2019.
Gus est un chat. Si nous sommes beaucoup à chérir ces petites boules de poils, Gus, lui, est un félin boiteux, pas vraiment cool, peut-être même carrément cinglé, à la limite du dangereux. Gus serait-il un peu con ou Gus aurait-il juste manqué d’affection ? Derrière Gus, Sébastien Barrier nous parle de la fragilité de l’enfance à travers une poésie hybride tendre et joyeusement trash. Avec intelligence, sensibilité, drôlerie et une pointe de mélancolie, ce conte musical et graphique est foutraque à souhait (…).
PRÉSENTATION DE GUS PAR ONYX, DANS LE CADRE DU FESTIVAL LES ENFANTS TERRIBLES.
RÉCIT D’ÉMANCIPATION FÉLINE
Gus, c’est le nom d’un chat.
C’est aussi le nom d’un spectacle.
Qui raconte l’histoire d’un chat.
Cette histoire de chat est racontée par un humain.
D’ailleurs, dans cette histoire, le chat parle.
Et quand il parle, il évoque très souvent « mon humain ».
Un peu comme les humains disent « mon chat ».
Gus fait des bêtises.
Tellement qu’aucun humain.
Ne lui prête attention.
Un chat écorché vif.
Qui reprend sa vie en main.
Après avoir failli la perdre dans une poubelle qui sentait la pisse.
Récupéré in extremis par sa famille d’accueil d’humains.
Gus est un miracle vivant.
Gus restera vivant.
Sa famille d’humain ? Elle va s’agrandir.
Un petit humain va naître.
Qui va probablement s’allergiser aux poils de chat.
À n’en point douter Gus se retrouvera dehors.
Aussi c’est décidé.
Gus se fera la malle à moto.
Avec son ami chat Oui-Oui.
Le duo va dans le pays d’origine des mimies.
Au-dessus des nuages.
Retrouver le soleil.
Oublier la tristesse.
Ils croisent d’incalculables phares de voitures.
Telles des ombres humaines errantes.
Des fantômes.
Des formes.
Des zombies.
Vont-ils mourir ?
Oui, ils vont mourir.
Des chats sur la route.
Ça fini toujours aplati, non ?
Sauf Gus, qui a trouvé un véhicule imaginaire.
Pour rejoindre le pays des chats.
ÉMOTIONS ÉMOTIONS
La fin oh la fin !
J’aurais aimé que le chat revienne.
A confié une spectatrice.
Il n’est jamais revenu.
S’est-il plaint.
Il y a vraiment une part d’ombre dans Gus.
J’ai beaucoup ri, d’un rire un peu jaune, voire un peu noir.
Mais le ciel commençait à s’éclaircir à la fin.
Ils allaient sortir des nuages.
Vers le soleil et la chaleur.
Sur la dernière image vidéo projetée.
Gus est dépoilé, hirsute, vieillissant.
La photo portraitise l’humain chez le chat.
La vie du chat marque le corps du chat.
La vie des humains marque le corps des humains.
Gus, c’est nous.
CASTRATION & FUITE
Entre Gus et Oui-Oui.
Ce n’est pas de l’amitié.
C’est de l’amour.
Ils se barrent à moto tous les deux.
Pour ne pas se faire castrer.
Avec leur amitié.
En guise de bouée.
S’en fichent où ils vont.
Puisqu’ils se sentent aimés.
Rien ne vaut l’amitié féline.
Les humains castrent les chats.
Parce qu’ils les aiment.
Ils leur enlèvent un morceau.
Pour les inciter à rester auprès d’eux.
Est-ce que l’amour ce n’est pas ça ?
ÉCRITURE EN DIRECT
Parfois Gus écrit à sa mère.
Sa lettre s’écrit en direct sur grand écran.
Ce qu’il dit n’est pas vraiment ce qu’il écrit.
Un petit décalage succulent.
Une tension entre le dit et l’écrit.
La tension de l’émotion.
Il s’adresse à sa mère.
À sa mère imaginaire.
À notre mère à toutes et à tous.
Une parole de soi authentique.
Où la sensation prime sur la pensée.
Où les phrases courtes, très courtes même.
Priment sur les beeeeelles phrases.
L’urgence des sentiments ?
Dans l’assemblée.
Se trouvait un spectateur-miroir.
Pourvue d’innombrables neurones miroirs.
Au point d’avoir froid.
Quand l’acteur se lave à l’eau froide.
De la fusion ?
De l’empathie ?
De l’altérité ?
Du sauvetage ?
S’est-il interrogé.
Ce serait ça « être humain ».
Lui ont répondu en chœur.
Les Collectors.
DU NOUVEAU CIRQUE
L’acteur, Sébastien Barrier (alias Ronan Tablantec).
Est froid et chaleureux « en même temps ».
L’homme garde ses distances.
Tout en étant proche du public.
Le mec est rock, encourage les applaudissements.
Les commente par des « C’est trop tard » ou des « C’est pas le moment ».
Se crée une tension drôle entre lui et nous.
On ne sait jamais que faire.
On interroge ses voisins et ses voisines.
Nos émotions tournent à plein.
Le spectacle se déroule sous chapiteau.
Du « nouveau cirque » ils appellent ça.
Alors il n’y a pas d’animaux.
Enfin pas d’animaux réels.
Juste des animaux imaginaires.
Présentés sous forme dessinée.
En mode portrait.
Un par un.
Sébastien Barrier se sert d’animaux bringuebalants.
Pour instruire les humains bringuebalants.
Un bestiaire illustré, en somme.
Avec ses personnages archétypaux.
C’est rock et triste.
Tragique et burlesque.
On s’est crus un moment.
Dans le roman de George Orwell.
La Ferme des animaux.
Sommes-nous tous des Napoléon ?
A demandé un spectateur-référence.
En écoutant la plainte énergétique de Sébastien Barrier.
En l’écoutant parler chat.
J’ai pensé à Zouc l’actrice suisse.
Qui parlait petite fourmi.
A dit une spectatrice.
L’animal est prétexte.
À parler des humains.
Pauvres animaux !
S’est exclamée la même spectatrice.
Les humains ne parlent jamais des animaux.
Pour parler des animaux.
Mais pour parler d’eux-mêmes.
Pour Le Dico du spectateur
Joël Kérouanton,
à partir des paroles recueillies par Les Collectors.