Lettre ouverte des interprètes de Zaï Zaï Zaï Zaï, au sujet des règles d'entrée dans les théâtres en temps de Pass sanitaire

Bonsoir,

Merci beaucoup d’être venus en nombre ce soir voir ZAÏ ZAÏ ZAÏ ZAÏ.
ça fait un an tout pile qu’on n’avait pas joué ce spectacle et il nous tardait de se retrouver et de vous retrouver.
Et pourtant, ça n’était pas une évidence d’être là ce soir.

Face au contexte politique, chacune et chacun, dans l’équipe artistique, s’est vu•e confronté•e à ses valeurs, à ses rêves et ses colères, à ses propres contradictions.
Après un an et demi de mise à l’arrêt forcée de nos métiers, après des mois d’occupation de plus d’une centaine de lieux de culture en France pour protester, entre autres, contre la réforme de l’assurance chômage, le monde de la culture - et notre vie sociale plus généralement - est de nouveau pris en étau. 
Artistes, spectatrices et spectateurs, nous sommes à présent soumises et soumis à de nouvelles contraintes pour exercer nos métiers et accéder à la culture, ce qui, de fait, met à mal les principes de démocratisation et de diversité culturelle auxquels nous tenons tant. Le passe n’est pas uniquement une contrainte sanitaire, il nous impose aussi de nous contrôler les uns, les unes, les autres, avec pour nouveau modèle de société une citoyenneté à double-vitesse.

Le matraquage de l’information, la stigmatisation des voix opposées, l’introduction du discours martial dans nos espaces quotidiens et le recours à la peur et à la culpabilisation viennent inhiber nos mécanismes de pensée et, de ce fait, impacter notre libre-arbitre.
Nous n’avons plus le droit de douter. Il nous faut accepter. 
Pourtant, malgré ces injonctions, entre acceptation, résignation et résistance, le besoin de chacune et chacun de faire part de ses doutes émerge… En même temps que s’affirme le droit de penser le monde. 

Alors non, vous présenter ce spectacle ce soir n’était pas une évidence.
Certaines et certains d’entre nous ont manifesté le souhait de se retirer, parce qu’elles et ils ont atteint ici leur limite. Parce qu’elles et ils ne se sentent plus les bienvenu•e•s comme elles et ils sont – avec leurs peurs, leurs colères et leurs incompréhensions – dans une société qui réprime celles et ceux qui doutent.
Pour d’autres le désir de jouer, le besoin vibrant de faire société et de proposer la culture comme espace d’émancipation, la nécessité de remettre l’art au cœur de nos espaces collectifs étaient devenus impérieux.
Ces routes divergentes témoignent de la violence dans laquelle nos métiers ont été propulsés, mais sont aussi le reflet de nos contradictions intimes, des négociations que chacun•e entretient avec soi-même… et du malaise dans lequel toute personne attachée au vivre-ensemble est à présent plongée. 

Peut-être d’ailleurs que pour vous aussi, venir au spectacle n’était déjà plus une évidence…

Si aucun choix n’est simple, nous souhaitons que ce qui nous traverse aujourd’hui ne devienne jamais un non-sujet et que chacun•e trouve la légitimité de s’interroger : 

Où se situe ma limite ? Et lorsque je l’aurai atteinte, qu’est-ce que je ferai ?
 

Merci et bonne soirée